vendredi 12 décembre 2008

Après avoir vu le film BAJO JUAREZ


Il s'agit du documentaire le plus récent sur le sujet et dure 96 mn. Depuis 1993, environ 400 femmes et filles (la plus jeune avait 8 ans) ont été assassinées dans des conditions similaires, et 70 de plus sont toujours portées disparues. Le documentaire donne la parole aux familles, à un médecin légiste, et à une journaliste impliquée de longue date, ponctué de reportages d'actualités : manifestations des familles, prises de paroles de membres du gouvernement mexicain.


Le film est ancré sur la vie d'Alejandra (photo), disparue en 2001, enlevée, violée, torturée, assassinée quelques jours après. Elle avait 17 ans et était (déjà) mère de 2 enfants. Elle travaillait dans une maquilladora. Sa mère s'occupe des 2 petits enfants laissés orphelins. C'est l'aspect intimiste du film.

Cette maman, Norma, est institutrice. Elle agit et milite activement avec d'autres familles, ainsi que des journalistes, médecins, eux aussi impliqués, pour comprendre les circonstances de ces disparitions, contribuer à élucider le mystère, dénoncer le laxisme total et la corruption de l'État et tenter de les mettre devant leurs responsabilités.

Le film montre aussi comment l'Etat se débarasse du problème en arrêtant n'importe qui, parfois un homme de la famille de la victime qui leur semble gênant ... et après des séances de torture qui laissent des traces ... obtiennent des aveux filmés. Ce qui permet à l'Etat de dire que les coupables sont sous les verrous et que l'Etat fait son travail. Même si les disparitions continuent !

L'Etat est totalement négligent puisque les faits et les preuves ne sont même pas collectés sur les corps, ou partiellement, les informations se perdent ... Un fait troublant : les cadavres sont souvent retrouvés groupés sur des terrains privés, appartenant à quelques très grands propriétaires ... ce qui ne les désigne pas forcément comme les coupables mais porte un sens ... or aucune enquête n'est sérieusement menée.

Ce film ne comporte pas d'images choc ou de description trop détaillée de ce qu'elles ont subi, les mots viol, torture et mutilation étant employés de manière globale. Il montre la géographie des lieux, pas de végétation, beaucoup de poussière, des trajets en car entre la maison et l'usine.

Le film donne aussi la parole à une jeune fille qui arrive juste de Veracruz pour travailler à Ciudad Juarez et qui parle du harcèlement incessant qu'elle y subit de la part des hommes. Dès son arrivée des femmes l'ont mise en garde : tu es bien jeune pour venir ici, ne fait confiance à aucun homme, ne leur demande jamais ton chemin ... Des visages on en voit, des petites filles, des jeunes filles. De la musique, des chansons qui traduisent toute cette beauté, ces espoirs et ces vies féminines saccagées.

Ce film est un outil d'information précieux. Il permet aussi de donner force aux personnes impliquées sur le terrain qui risquent pour leur vie et leur sécurité, en PARLANT. Je vous le recommande chaleureusement.